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Guy Belleflamme, Carnet de bord d'un enseignant…libre

Guy Belleflamme, Carnet de bord d'un enseignant…libre, L'Harmattan, Paris, 265 pp, 27 €.

Dans cet ouvrage dense et pourtant agréable à lire, Guy Belleflamme résume les expériences de toute une vie, ou presque. Expériences qui ne sont pas de simples anecdotes mises bout à bout, mais des vues lucides sur le fonctionnement d'une société rurale, vue par un petit garçon, et surtout le récit de ses rencontres avec l'enseignement, et les enseigneurs…certains connus, comme l'abbé Camille Hanlet (à ne pas confondre avec un personnage célèbre de Shakespeare), auteur d'aphorismes péremptoires et maître remarquable. Cela nous vaut au passage de judicieuses réflexions sur les nuisances, dans le primaire, de certaines concurrences inutiles, et, dans le secondaire, sur l'obscurantisme souvent pratiqué dans l'enseignement dit libre : interdiction de lire un bon nombre d'ouvrages (Sagehomme), programme scolaire réduit, en français, au niveau de la civilité puérile et honnête (ce qui ne laisse guère que Chénier pour le 18e siècle), sans oublier pour autant quelques manœuvres pédophiliques. Sans oublier non plus la guerre scolaire. Et c'est dans cette atmosphère qu'il abordera l'université, où chaque professeur se débrouille comme il peut, à Liège, avec la neutralité.
C'est le moment de saluer la qualité maîtresse de ce livre : Guy Belleflamme est un passionné, passionné de vérité, passionné de l'enseignement, mais cela ne l'empêche nullement de tenir le plus grand compte des opinions qui ne sont pas les siennes. Il lui arrive de reconnaître ses erreurs, ce qui n'est pas le cas de tout le monde, et il ne cache pas les difficultés quasi insurmontables que comportent certains problèmes.
Au cours de ses années de professorat, il aura l'occasion de tenir presque tous les rôles, si bien que notre enseignement secondaire et secondaire supérieur n'a pratiquement plus de secrets pour lui. Vis-à-vis de ses professeurs, on le trouve d'une rigueur intransigeante, que ce soit à l'occasion des grèves ou dans la répression de l'absentéisme. Par contre, il les défendra jusqu'au bout, en face de l'autorité, qu'elle soit civile ou ecclésiastique, quand il estime que ce sont eux qui ont raison (enseignants séparés de leurs conjoints p.ex) Il faudra attendre Vatican II et, plus tard, mai 68 pour que de grands changements se produisent, et que de nouvelles formes de société apparaissent.
Mais en même temps se développent les médias, télévision, ordinateur, et la littérature perd de son audience. Guy Belleflamme n'est pas du camp de ceux qui rejettent les réformes a priori, tant s'en faut, et on le trouvera parmi les partisans résolus de l'enseignement rénové. Nous n'entrerons pas ici dans le détail technique de chacune de ces réformes : notons simplement qu'à chaque fois il s'y engage de façon pleine et entière, en faisant leur juste part aux objections qui se présentent.
Un idéal intransigeant, une honnêteté totale, et le souci, qui prime tout, de la personne humaine. On se croirait parfois revenu, avec lui, au temps de Rabelais et d'Erasme, et c'est un air vivifiant qu'il nous donne là à respirer.
L'enseignement, tout l'enseignement, mais un enseignement ouvert sur le monde où nous vivons. Voilà qui implique les belles qualités que nous avons soulignées au passage, et pour tous ceux qui sont "de la partie", pour tous ceux qui s'intéressent peu ou prou à l'enseignement, voici un livre d'une grande richesse. Les épreuves, certes, ne lui ont pas manqué, mais il a su en faire une source de force et d'altruisme.

Joseph BODSON

REFLETS WALLONIE-BRUXELLES (LA PENSÉE WALLONNE), N° 32 AVRIL-MAI-JUIN 2012, PP. 19-20

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